Rediffusion jusqu’au 29/06/2025
Comment les États-Unis ont échappé de peu à l’explosion d’un de leurs propres missiles nucléaires dans l’Arkansas. Une reconstitution hallucinante heure par heure, fondée sur le témoignage des principaux acteurs.
Le 18 septembre 1980, à Damascus, dans l’Arkansas, sur une base de l’Armée de l’air abritant le missile nucléaire Titan II, le plus potentiellement meurtrier de l’arsenal américain, deux hommes sont chargés de rechercher la cause d’une légère baisse de pression dans le silo de l’ogive. Après une journée de travail de près de douze heures, l’un de ces jeunes soldats, Dave Powell, commet une erreur de procédure pour pénétrer dans l’habitacle ultrasécurisé où dort le monstre. Une douille chute et endommage l’un des réservoirs du missile, dont le combustible se met à fuir en abondance. L’explosion est inévitable à court terme, et la panique gagne peu à peu l’état-major : si les dispositifs de sécurité ne fonctionnent pas, une charge nucléaire trois fois plus puissante que l’ensemble des bombes larguées durant la Seconde Guerre mondiale, y compris celles qui ont anéanti Hiroshima et Nagasaki, va s’écraser quelque part sur le sol américain, causant des millions de morts. L’angoisse est d’autant plus forte que le Titan II, vétuste, aurait déjà dû être démantelé, si Jimmy Carter n’y avait pas vu une monnaie d’échange dans le cadre des négociations de désarmement nucléaire entamées avec son homologue soviétique Leonid Brejnev. Dans la perspective de l’élection présidentielle de 1981, les démocrates sont d’ailleurs réunis à Hot Springs, à quelques dizaines de kilomètres de la base, à l’invitation du fringant jeune gouverneur de l’État, Bill Clinton.
Longue nuit
Avant d’adapter lui-même à l’écran son best-seller Command and Control: Nuclear Weapons, the Damascus Accident, and the Illusion of Safety (2013), l’écrivain et journaliste d’investigation Eric Schlosser avait déjà fait équipe avec le réalisateur Robert Kenner pour le très remarqué Food, Inc., sur les multinationales américaines de la malbouffe. Ils nous font vivre cette fois, heure par heure, la longue nuit du 18 au 19 septembre 1980, au plus près de ceux des principaux acteurs de l’accident qui ont eu la chance de lui survivre. Parmi eux, Dave Powell, le jeune chargé de maintenance, qui écopera d’un blâme et dont le témoignage est particulièrement émouvant ; Bob Peurifoy, alors à la tête des recherches sur l’armement nucléaire ; ou encore Harold Brown, ex-secrétaire à la Défense. Alternant images d’archives et sobres reconstitutions avec leurs récits face caméra, le film met en évidence l’héroïsme des “petites mains“ de la base, qui n’hésitent pas à outrepasser les ordres d’un commandement totalement dépassé pour tenter d’empêcher la catastrophe, puis de sauver leurs frères d’armes, une fois l’explosion survenue. Il souligne aussi l’aveuglement de l’armée et de l’appareil d’État, tout juste capables de décréter le secret absolu, avant d’enterrer le rapport sur les faits. Le Titan II sera miraculeusement retrouvé, au matin, dans un champ tout proche, avec sa charge meurtrière intacte. Plus de trente ans après, la déclassification des archives militaires révélera que plus de mille autres accidents s’étaient produits dans l’arsenal nucléaire américain, tous attribués à des “erreurs humaines“.
Documentaire de Robert Kenner (Etats-Unis, 2016, 1h28mn)
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