Allocution de l’Imâm Alî sur la discipline de l’arcane et la Gnose
Extraits de l’émission “Les Racines du ciel“, lecture de Leili Anvar.
“En fait, nous pensons particulièrement ici à deux entretiens du Ier Imâm avec Komayl ibn Ziyâd, qui fut un de ses disciples et compagnons insignes. Le premier de ces entretiens, pour le propos poursuivi ici, forme en quelque sorte une introduction au second. Ce sont de ces textes qui nous montrent au mieux le sens et l’enjeu du « combat spirituel » selon la pensée de l’Imâm, et aussi quelle chevalerie spirituelle est à même de le soutenir. Au cours du premier de ces entretiens, Komayl demande à l’îmâm : « Qu’est-ce que la gnose ? » L’Imâm, pour l’éprouver, lui répond : « Qu’as-tu à faire avec la gnose ? » et de lui expliquer pourquoi il leur serait dommageable, à l’un et à l’autre, qu’il déversât un tel secret de sa personne à la sienne : un vase ne peut contenir plus que sa capacité, et l’Imâm a l’ordre de mettre chaque chose à sa place. C’est précisément cette disposition qu’invoque alors Komayl : « Quelqu’un comme toi, dit-il à l’Imâm, peut-il décevoir l’attente de celui qui l’interroge ? Quelqu’un de ton rang, quant aux hautes connaissances des réalités spirituelles et quant au discernement de l’aptitude de chacun, peut-il frustrer celui qui le questionne, lui refuser son droit, faire que son but lui reste interdit, parce qu’il se sera abstenu de lui répondre ? Non, le précepte divin : Quant à celui qui demande, ne le repousse pas (Qorân 93 : 10), — ce précepte te fait un devoir de répondre, en prenant pour maxime celle du Prophète : En parlant aux gens, parlez à chacun selon son intelligence. »
Alors l’Imâm fait droit à la requête et commence à expliquer : « La gnose, c’est le dévoilement des oratoires de la Majesté divine, sans que l’on puisse rien montrer. — Explique-moi encore. — C’est effacement de tout le conjectural, sérénité du connu en toute certitude. — Explique-moi encore. — Le voile est déchiré, le secret en a triomphé. — Explique-moi encore. — Une lumière se lève depuis l’aube de la prééternité ; elle brille dans les temples du Tawhîd (c’est-à-dire dans les personnes de ceux qui professent la Vraie Unité. Une glose de l’un de nos manuscrits ajoute en marge : cette lumière, c’est l’Imâm éternel). — Explique-moi encore. — Éteins la lampe, le matin est levé. — Après cela, l’Imâm garda le silence. »“
Henry Corbin, “En Islam iranien“, tome I, pp. 110-111