La conjuration antichrétienne 2 - La double conception de la vie / Mgr Henri Delassus

Vous trouverez ici tous les chapitres que nous mettons progressivement en ligne de “La Conjuration antichrétienne“. Cette œuvre approuvée par le Pape Saint PIE X nous éclaire plus que jamais sur la situation actuelle La civilisation chrétienne procède d’une conception de la vie autre que celle qui avait donné naissance à la civilisation païenne. Le paganisme, poussant le genre humain sur la pente où le péché originel l’avait engagé, disait à l’homme qu’il est sur la terre pour jouir de la vie et des biens que ce monde lui offre. Le païen n’ambitionnait, ne recherchait rien au delà; et la société païenne était constituée pour procurer ces biens aussi abondants et ces plaisirs aussi raffinés ou aussi grossiers qu’ils peuvent l’être, à ceux qui étaient en situation d’y prétendre. La civilisation antique était sortie de ce principe, toutes ses institutions en découlaient, surtout les deux principales, l’esclavage et la guerre. Car la nature n’est point assez généreuse, et surtout alors n’avait point été cultivée depuis assez longtemps et assez bien pour procurer à toutes les jouissances convoitées. Les peuples torts s’assujettissaient les peuples faibles, et les citoyens mettaient en esclavage les étrangers et même leurs frères pour se donner des producteurs de richesses et des instruments de plaisirs. Le christianisme vint, et fit entendre à l’homme qu’il devait chercher dans une autre direction le bonheur dont le besoin ne cesse de le tourmenter. Il renversa la notion que le païen s’était fait de la vie présente. Le divin Sauveur nous apprit par sa parole, nous persuada par sa mort et sa résurrection, que si la vie présente est une vie, elle n’est point LA VIE à laquelle son Père nous destine. La vie présente n’est que la préparation à la vie éternelle. Celle-là est le chemin qui conduit à celle-ci. Nous sommes in via, disaient les scolastiques, nous acheminant ad terminum, en route pour le ciel. Les savants du jour exprimeraient la même idée en disant que la terre est le laboratoire où se forment les âmes, où se reçoivent et se développent les facultés surnaturelles dont le chrétien, après achèvement, jouira au céleste séjour. Telle la vie embryonnaire au sein maternel. C’est aussi une vie, mais une vie de formation, où s’élaborent les sens qui auront à fonctionner au séjour terrestre : les yeux qui contempleront la nature, l’ouïe qui recueillera ses harmonies, la voix qui y mêlera ses chants, etc. Au ciel, nous verrons Dieu face à face1, c’est la grande promesse qui nous est faite. Toute la religion est basée sur elle. Et cependant aucune nature créée n’est capable de cette vision. Tous les êtres vivants ont leur manière de connaître, limitée par leur nature même. La plante a une certaine connaissance des sucs qui doivent servir à son entretien, puisque ses racines s’étendent vers eux, les recherchent pour se les ingérer. Cette connaissance n’est point une vision. L’animal voit, mais il n’a pas l’intelligence des choses que ses yeux embrassent. L’homme comprend ces choses, sa raison les pénètre, abstrait les idées qu’elles renferment et par elles, s’élève à la science. Mais les substances des choses lui restent cachées, parce que l’homme n’est qu’un animal raisonnable et non une pure intelligence. Les anges, intelligences pures, ne voient eux-mêmes dans leur substance, peuvent contempler directement les substances de même nature qu’eux et à plus forte raison les substances inférieures. Mais ils ne peuvent voir Dieu. Dieu est une substance à part, d’un ordre infiniment supérieur. Le plus grand effort de l’esprit humain est arrivé à le qualifier « Acte pur », et la Révélation nous a dit qu’il est une trinité de personnes en unité de substance, la seconde engendrée par la première, la troisième procédant des deux autres, et cela dans une vie d’intelligence et d’amour qui n’a ni commencement ni fin. Voir Dieu comme il est, l’aimer comme il s’aime, ce qui est la béatitude promise, - est au-dessus des forces de toute nature créée et même possible. Pour le comprendre, elle ne devrait être rien moins que l’égal de Dieu. Mais ce qui n’appartient point naturellement peu survenir par le don gratuit de Dieu. Et cela est nous le savons parce que Dieu nous a dit l’avoir fait. Cela est pour les anges, et cela est pour nous. Les bons anges voient Dieu face à face, et nous sommes appelés à jouir du même bonheur. Nous ne pouvons y arriver que par quelque chose de surajoute qui nous élève au-dessus de notre nature, qui nous rend capables de ce dont nous sommes radicalement impuissants par nous-mêmes, comme le serait le don de la raison à un animal ou le don de la vue à une plante. Ce quelque chose est appelé ici-bas la grâce sanctifiante.
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